Xavier Michel (Aliose) : Ne pas perdre le rythme dans un monde désaccordé
Dernière mise à jour : 21 févr. 2021
Depuis 2012 et la sortie de leur deuxième disque Le vent a tourné, alors auto-produit, Aliose est considéré comme un acteur éminent de la scène musicale helvétique francophone. En 2017, l’album Comme on respire, cette fois-ci paru en collaboration avec la Warner Music France, permettra même au duo d’atteindre une nomination aux Victoires de la Musique 2018.
Xavier Michel, membre du duo de Pop Folk, nous a gentiment accordé un entretien téléphonique, un dimanche soir, après une journée à servir pour la Protection Civile genevoise. L’occasion pour l’auteur- compositeur-interprète et écrivain de nous raconter comment sa partenaire, Alizé Oswald, et lui vivaient l’extraordinaire situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui plongés. L’occasion aussi de revenir sur l’annulation d’un Eurovision 2020 riche en attentes pour Aliose et sur leur album à venir, dont le premier single, J’ai oublié, est parut en février dernier. Enfin, dans le cadre de notre hors-série, nous avons discuté de la manière qu’avait Aliose de réagir à la situation et de continuer à partager sa musique avec son public.
Mobilisé depuis de longues semaines à la Protection Civile, le touche-à- tout trouve peu de temps pour lui en ce moment. Et si son moral commence à aller mieux, il avoue avoir été très déstabilisé quand les premières annonces de confinement, tirant un trait sur les concerts à venir, ont été prononcées. Quand il le peut, il réussit quand même à poursuivre l’écriture de son prochain roman, dont on espère en apprendre plus bientôt.
Alizé Oswald, quant à elle, semble bel est bien cloitrée chez eux, à devoir, comme beaucoup, trouver des occupations pour pallier la monotonie du confinement. Tout ça n’empêche pas le duo d’avoir du pain sur la planche. En effet, la préparation d’un nouvel album à paraitre les occupe beaucoup.
Promotion, mixage, lives, collaborations diverses... Tout se fait désormais à distance pour Aliose. Et s’il se veut optimiste, Xavier Michel doit admettre que ça ne facilite pas leurs affaires. Après un premier album paru à l’international en 2017 qui a bien fonctionné, l’envie de « confirmer l’essai » avec un nouveau disque était attendue. Initialement prévu pour le courant de l’année, repousser sa
date de sortie parait aujourd’hui pratiquement inévitable. L’objectif est alors clair: terminer l’album malgré des conditions peu évidentes et repartir en tournée dès que possible.
Voir tous les artistes sortir leurs nouveaux disques dans la même période et la saturation des festivals sont des craintes compréhensibles pour le duo, qui ne compte pas perdre son esprit combatif pour autant.
La plus grande déception de Xavier Michel reste, sans doute, l’annulation pure et simple de l’Eurovision 2020. Et ça peut se comprendre: co- auteurs de Répondez-moi, le titre qui devait être interprété par Gjon’s Tears pour représenter la Suisse cette année, Aliose en attendait beaucoup. Il faut dire que la chanson, la première en français depuis 10 ans pour la Suisse, était partie pour figurer parmi les favorites du concours, d’après les pronostics. Selon toute vraisemblance, la prochaine édition de l’Eurovision verra les mêmes interprètes concourir, mais les chansons, elles, seraient hors-jeu.
« Je pense à tous les producteurs, les auteurs, les arrangeurs qui on travaillé sur ces chansons... C’est un peu comme si tu gagnais au loto et que, hop, on t’arrachait ton billet des mains », songe alors un Xavier Michel évidemment très déçu.
Le duo ne perd cela dit pas confiance en soi et ne veut pas se plaindre. Le court terme ne leur fait pas peur et ils cherchent à rebondir en se réinventant, en cherchant des idées nouvelles pour pouvoir continuer une carrière déjà si prometteuse.
Car, si les circonstances actuelles posent de nombreux problèmes, notamment aux artistes, elles sont aussi le point de départ d’un grand mouvement de partage, principalement via les réseaux sociaux, de la part des musiciens, entre autres. Concerts en ligne, chansons spécialement écrites pour l’occasion et autres joyeusetés sont devenus monnaie courante au temps du confinement.
Aliose n’y déroge pas: Le 19 mars dernier, par exemple, un concert spécial lors duquel le duo aurait été accompagné de nombreux choristes au sein de l’Auditorium Stravinski de Montreux était prévu. Suite à son annulation, en raison de vous savez quoi, Xavier et Alizé ont offert, le soir même, plus d’une heure de live sur internet. L’impact a été tel qu’ils ont décidé de réitérer l’expérience un mois plus tard, le 22 avril, et tenterons de le faire une fois par mois, dans la mesure du possible.
Outre cela, Aliose a également participé a des initiatives comme le Swiss Sofa Festival (qui sont des concerts organisés sur Instagram ) ou encore
des apéros live avec des amis comme la chanteuse Phanee de Pool. Xavier nous a parlé du fait que Montreux prévoyait également d’organiser des concerts dans des lieux un peu insolites, comme sur des toits.
Il est satisfait de pouvoir garder un lien avec son public et du fait qu’on essaie de faire vivre la culture dans de telles circonstances, mais il tient à souligner que ces évènements en ligne sont habituellement gratuits, ce qui représente un risque, sur le long terme, pour de nombreux artistes vivant principalement de leurs concerts. Il est nécessaire de rappeler, selon lui, qu’être musicien est un métier, et que si la crise devait durer, il faudrait réfléchir à des solutions viables pour tout le monde.
Les changements opérés dans l’industrie musicale ces dernières décennies et l’essor du streaming à la Spotify ont, d’après lui, changé le rapport qu’ont les gens à la musique.
« Certes, il existe des alternatives comme Bandcamp, qui permettent au public de donner la somme qu’il souhaite en échange de musique, mais la pratique des gens a beaucoup changé. On a parfois l’impression qu’ils pensent que ça leur est dû. », affirme-t-il.
Il pense alors à Mark Kelly, un autre artiste suisse prolifique en ce moment, puisqu’il a atteint la trentaine de lives en ligne depuis le début de la crise. Si ses concerts sont effectivement accessibles à tous (à condition d’avoir une connexion internet, bien sûr) l’artiste n’hésite pas à afficher son numéro de compte bancaire durant ses prestations, et reverse une partie des gains à des associations. Cette idée lui permet de vivre de sa musique, malgré l’état actuel des choses, les spectateurs étant souvent enclins à donner et heureux de pouvoir remercier l’artiste du mieux qu’ils peuvent. Ca semble, en tout cas, fonctionner pour lui.
Avant de nous quitter, Xavier Michel a tenu à exprimer ces quelques mots
« Ce que je trouve beau, en ce moment, c’est qu’il y a quelque chose d’immatériel qui peut se passer. Le nombre de messages que l’on reçoit après un live est énorme. Ces gens nous donnent beaucoup d’énergie et de force, et ils nous témoignent à quel point on leur en donne aussi. Ils nous renvoient beaucoup. Evidemment, en concert, l’énergie est directe, ce n’est pas pareil, mais il reste quand même ce « win-win » entre l’artiste et le spectateur, qui fait la magie de l’art. Je crois que les gens se rendent bien compte qu’un confinement sans musique ne serait pas la même chose ».